Navires et avions, bien que conçus pour naviguer dans deux éléments différents, l’eau et l’air, partagent de nombreux défis communs : réduction des frottements, maîtrise du poids, efficience énergétique, résistance structurelle. Depuis plus d’un siècle, ces deux industries s’observent, s’inspirent, et parfois se croisent. Alors que la transition écologique pousse l’aéronautique à se réinventer, le secteur naval, notamment dans la course au large, apparaît comme un vivier d’innovations pertinentes.
Mais au-delà de quelques inspirations ponctuelles, est-ce qu’une approche systémique ne serait-elle pas plus viable ? Quelles technologies navales pourraient aider à concevoir l’aviation de demain : plus sobre, plus durable, plus agile ?
Les passerelles entre les mondes de la mer et de l’air ne datent pas d’hier. Dès les débuts du XXe siècle, des ingénieurs aéronautiques s’intéressent aux voiles et aux coques de bateaux pour améliorer la portance des ailes. À l’inverse, la technologie des ailes rigides inspire les voiles modernes, notamment sur les trimarans de course.
Un moment clé de cette synergie se produit durant la Seconde Guerre mondiale. L’avion de chasse britannique Mosquito, conçu entièrement en bois, repose sur une structure innovante en sandwich de bois lamellé collé. Cette technique sera ensuite adaptée dans le nautisme, notamment pour construire des voiliers plus légers et performants. Après la guerre, c’est dans la plaisance que les composites trouvent un premier terrain d’expérimentation. La fibre de verre, introduite dans les années 1950-60, précède l’arrivée du carbone dans les années 1980, d’abord pour les voiles, puis pour les coques.
Contrairement à l’aéronautique, fortement régulée et soumise à des normes de certification strictes, la compétition maritime permet une approche plus expérimentale. Les chantiers navals de course au large, parfois composés de petites équipes, peuvent concevoir, construire, tester et ajuster un prototype en moins d’un an. Ce rythme rapide permet de tester des matériaux, des procédés, des formes et des systèmes avant même qu’ils ne soient envisagés pour l’aviation. Cette agilité attire aujourd’hui des projets hybrides comme Elixir Aircraft, où l’équipe d’ingénierie est issue du monde de la voile.
Avions et bateaux se déplacent dans un fluide (l’air pour l’avion et air & eau pour le bateau) et doivent lutter contre les résistances tout en optimisant leur trajectoire. L’aile d’un avion et de bateau ont des fonctionnements comparables : elles exploitent les différences de pression pour générer de la portance ou de la poussée. Les hydrofoils, ces ailes immergées qui soulèvent les bateaux au-dessus de l’eau, reprennent directement des concepts issus de l’aviation.
L’étude fine des profils, des vortex et de la traînée est donc un terrain de convergence, avec de nombreux transferts possibles, notamment sur les drones, les ailes volantes ou les futurs avions décarbonés.
La chasse au poids est une priorité dans les deux secteurs. L’usage des matériaux composites (fibre de verre, carbone, résines) a permis de gagner en robustesse tout en allégeant les structures. Dans le naval, la fabrication en “one-shot” de pièces complexes en carbone permet d’éviter des assemblages lourds. Dans l’aéronautique, cette approche reste difficile à industrialiser, mais elle suscite un intérêt croissant, notamment pour les avions légers ou les structures secondaires.
L’avantage du secteur naval est de pouvoir tester des formes complexes, des renforts optimisés, et de fonctionner souvent en petites séries, favorisant l’innovation.
Le naval, notamment dans la course et les ferries, utilise déjà des systèmes hybrides, des hydro-générateurs, ou même des panneaux solaires. Dans l’aéronautique, des projets comme Solar Impulse (Bertrand Piccard) ou Eraole (Raphaël Dinelli) démontrent que voler avec un mix énergétique est possible.
Des synergies sont à imaginer : batteries, gestion intelligente de l’énergie, ou encore optimisation des trajectoires selon la météo – une technique déjà bien maîtrisée dans la navigation.
Aujourd’hui, les collaborations entre ingénieurs aéronautiques et navals se font de plus en plus fréquentes. Les métiers de la conception, de la simulation, ou encore du design structurel gagnent à créer des plateformes d’échange. L’exemple d’Elixir Aircraft ou de projets portés par d’anciens coureurs au large démontre qu’il est possible de transposer des méthodes agiles à l’aérien, tout en respectant la rigueur nécessaire.
Il devient pertinent de former des ingénieurs aux deux environnements. La connaissance croisée des matériaux, des contraintes mécaniques, de l’environnement opérationnel, et de la fabrication durable pourrait générer une nouvelle génération de concepteurs. Ceux capables d’inventer non plus un avion ou un bateau, mais un système de transport fluide, optimisé pour un monde bas carbone.
Une démarche que 49 SUD explore concrètement
C’est dans cet esprit de synergie que 49 SUD s’inscrit. Notre bureau d’études indépendant, à la croisée du design structurel et de l’ingénierie carbone, porte une vision résolument transversale : réconcilier les mondes de la voile, de l’aéronautique et de l’énergie dans une logique de performance durable. En capitalisant sur des méthodes issues de la course au large, conception monobloc, production agile, 49 SUD imagine et développe des solutions légères, robustes et éco-conçues, adaptées aux enjeux de l’aviation de demain.
En s’appuyant sur une culture du prototypage rapide, une maîtrise des matériaux composites, et une proximité avec le terrain, l’équipe explore des réponses concrètes aux défis du secteur aérien : réduction des masses, conception modulaire, hybridation énergétique. Le tout, avec une approche rigoureuse et créative qui fait le pont entre agilité navale et exigence aéronautique.
À travers cette démarche, 49 SUD illustre avec clarté comment la culture de la mer peut embarquer l’aéronautique vers de nouveaux horizons, plus sobres, plus malins, plus responsables.
Depuis un siècle, le naval et l’aéronautique échangent, s’inspirent et parfois fusionnent. Aujourd’hui, dans un monde où l’aviation doit drastiquement réduire son empreinte carbone, ces passerelles ne sont plus anecdotiques : elles sont stratégiques. Des matériaux aux méthodes de fabrication, de la gestion énergétique au design structurel, le secteur naval offre des solutions précieuses pour réinventer l’aviation.
Les innovations viendront peut-être de là où on ne les attendait pas : d’un chantier naval de la façade Atlantique, d’un coureur au large reconverti ingénieur aéronautique, ou d’un voilier de course devenu laboratoire volant.
Et vous, quelles autres idées issues du monde maritime pourraient transformer l’aérien ?